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Avenches, 2000 ans d'immobilier

    

Avenches est construite sur l’ancienne capitale d’Helvétie. Thermes à l’avant-garde, amphithéâtre et sanctuaire témoignent de son passé prestigieux. Aujourd’hui, chaque construction est un défi pour concilier les exigences actuelles et la préservation du patrimoine.

   

Les dignitaires retraités de Rome ont modelé Aventicum (Avenches); quatre siècles de faste. Dans les deux théâtres, on y appréciait des spectacles de gladiateurs, de bêtes féroces ou de musique. Temples et nécropoles multipliaient les célébrations religieuses, sous les yeux de père et du fils de Vespasien, l’empereur de Rome. Ils vivaient à Avenches, qui comptait au début de notre ère plus de 20 000 âmes, soit plus que Paris.

   

Le panorama de la cité vaudoise serait incomplet sans la mention de vestiges préhistoriques de l’Age du fer récemment découverts ou du bourg médiéval. Un château du 13e siècle, son donjon et sa muraille rivalisent avec le site romain. On comprend mieux pourquoi le village a été classé parmi les plus beaux de Suisse. Ce riche patrimoine est omniprésent. Une fierté pour les 4700 habitants, mais un casse-tête aussi. Chaque projet de rénovation, chaque tranchée pour passer une gaine électrique ou une conduite d’eau fait trembler les promoteurs immobiliers. Un trésor est sous votre maison. A Avenches, c’est possible!

   

«Plus que 2000 ans d’immobilier, on pourrait parler de 12000 ans, si l’on compte l’époque mésolithique depuis laquelle le site a été habité en permanence, signale Denis Genequand, le directeur des Site et Musée romains d’Avenches (SMRA). Le Genevois, ancien responsable de l’époque gallo-romaine au Service cantonal d’archéologie de Genève a rejoint Avenches en 2019 et compte bien faire connaître davantage l’aura de l’ancienne capitale de l’Helvétie (lire ci-dessous "Un musée en 2030?").

   

Fouilles à Avenches dans le quartier de Milavy.
   

Qui paye les fouilles?

   

Dans la commune broyarde, chaque autorisation de construire ou presque est visée par son service. Une quinzaine de permis par an nécessitent l’intervention des SMRA et parfois une fouille approfondie. L’an dernier, la création d’un parking souterrain au sud de l’agglomération a exigé la collaboration de 12 archéologues. Ils ont mis à jour une nécropole préhistorique d’avant l’Age du bronze, à plus de quatre mètres de profond. Les travaux du parking ont été interrompus pendant plusieurs mois.

   

«Même si une routine administrative est en place et que les relations sont bonnes avec les architectes, on reste des empêcheurs de tourner en rond. On retarde les projets, de quelques jours à quelques mois», signale Denis Genequand. Certaines entreprises de construction renoncent à créer des sous-sols de peur de devoir prendre à leur charge une partie des coûts des fouilles - jusqu’à 70% selon la Loi sur la protection du patrimoine culturel immobilier (LPrPCI). L’Etat de Vaud finance le restant. «C’est l’option la plus frustrante pour nous, car on reste sur une couche superficielle», glisse celui qui rappelle que la majorité des fouilles se fait de manière préventive, à l’occasion de travaux de génie civil ou de nouvelles constructions.

   

De l'or dans les égouts

   

Buste en or de l'empereur Marc Aurèle.
   

C’est d’ailleurs lors de travaux d’assainissement d’égouts que le fameux buste en or de l’empereur Marc Aurèle a été retrouvé en 1939. Cette pièce unique du IIe siècle est en exposition jusqu’à fin janvier, dans la célèbre Getty Villa de Los Angeles. «C’est une visibilité fantastique pour Avenches et l’archéologie suisse», souligne le directeur. Plus récemment, la construction d’un pôle médical en 2019 a révélé de luxueuses villas romaines du 1er au 3e siècle. Un an auparavant, on découvrait lors d’aménagements vers la route cantonale, une mosaïque en marbre de Méditerranée de plus de 2,25 mètres.

   

Amphithéâtre, cinq ans de travaux

   

Outre les fouilles, il faut aussi maintenir les dix sites romains existants. Les thermes sont couverts, mais pour le reste, le gel, la pluie et la végétation attaquent chaque pierre. Si le mur d’enceinte appartient à la commune d’Avenches qui se charge de le restaurer, les autres constructions sont propriété du canton de Vaud. Les sites étant en libre accès, il faut également les sécuriser, en particulier l’amphithéâtre dans lequel des manifestations publiques sont organisées.

   

«Cet automne, nous entamons la phase préparatoire en vue de la restauration de l’amphithéâtre, mentionne le Vaudois d’adoption. Il doit être notamment drainé et la maçonnerie solidifiée; des travaux qui seront externalisés, mais supervisés par les SMRA. Ils dureront cinq à six ans.» Une réouverture partielle est prévue en 2027.

   

Denis Genequand, directeur du SMRA.
   

UN MUSÉE EN 2030?

   
«Avenches est le plus grand site archéologique de Suisse en un seul tenant, présente Denis Genequand, le directeur du SMRA. Nous accueillons le double de visiteurs d’autres musées archéologiques suisses, soit 21 000 entrées en 2022. Cette fréquentation pourrait doubler avec un musée moderne plus grand.»

   

Il est vrai que le musée d’Avenches date de 1848 et s’il a évolué et occupe désormais tous les étages de la tour de l’amphithéâtre, il reste à l’étroit. Un confinement qui choque en comparaison avec le rayonnement d’Avenches à l’époque romaine et même à l’ère gauloise. Aventicum était un centre économique et religieux important à l’échelle européenne, un carrefour de décideurs, la base arrière de Rome diront certains passionnés d’archéologie. D’où ce questionnement: les reports continuels pour la construction d’un musée d’envergure sont-ils un manque d’ambition des autorités?

   

«C’est un serpent de mer. On parle d’un nouveau musée depuis les années 1970. A chaque fois il y a des blocages, notamment en raison du budget. En 2019, on a redémarré le projet avec l’Etat pour établir un crédit d’étude. Si tout va bien, il passera au Grand Conseil avant la fin de l’année. Aujourd’hui, les astres semblent alignés», positive-t-il.

   

A ce stade, il est prévu de créer un musée à droite du théâtre, non loin des thermes et du sanctuaire du Cigognier. En plus de la surface d’exposition dans laquelle on pourrait admirer des mosaïques romaines monumentales et revivre l’évolution d’Aventicum, le bâtiment réunirait le laboratoire de conservation,
la bibliothèque et une salle de conférence. «L’original du buste de Marc Aurèle pourrait être exposé, car ce n’est pas possible pour des raisons de sécurité dans le musée actuel», complète-t-il. La cible financière est de 60 millions de francs.

   

Une date d’ouverture? «En 2019, on parlait de 2026, aujourd’hui, on évoque fin 2030» observe l’archéologue.

   

Source : Immobilier.ch 

    

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